Une des plus tristes affaires de la guerre civile fut la bataille de
Shiloh. A vrai dire, il y eut beaucoup d'autres batailles avec de lourdes
pertes et des opportunités manquées, mais à Shiloh
l'erreur de base fut si énorme, son commandant si chanceux, et
son excuse pour l'erreur si bancale, que cette bataille mérite
encore plus d'attention critique qu'elle n'en a déjà eu
jusque là.
A l'ouest de Shiloh à Corinth se trouvait l'armée CS de
Mississippi sous le commandement de Albert S. Johnston et Beauregard.
A Pittsburg Landing sur la rivière Tennessee se trouvait l'armée
du Tennesee de Grant. Entre les deux, des bois nombreux et une église
blanche baptisée Shiloh. Buell (commandant de l'armée de
l'Ohio, plus tard appelée du Cumberland) était sur la route
avec des renforts.
Après la défaite confédérée de Mill
Springs et la chute des forts Henry et Donelson, A.S. Johnston reflua
sur Murfreesboro, Tenn., puis sur Corinth, Miss., qui était un
nœud ferroviaire et de transport majeur. Il avait ainsi temporairement
abandonné le Kentucky et la plus grande partie du Tennessee.
Tout comme les confédérés, Grant avait un mélange
de troupes novices et aguerries, et il attendait l'arrivée de Buell
afin de lancer une offensive contre Johnston. Pendant cette attente, Grant
avait choisi d'entraîner ses hommes plutôt que de les faire
fortifier. Dans ses "Mémoires Personnelles" Grant écrira
que se "le retranchement" sera découvert plus tard dans la guerre
(ce qui est faux) et que "Par dessus tout… les troupes avec moi avaient
besoin de discipline et d'entraînement plutôt que de faire
l'expérience des pics, pioches et pelles". Grant apparemment pensait
également que ses hommes avaient besoin d'entraînement plutôt
que d'être soumis aux horreurs débilitantes du service des
postes avancés. En dépit d'une étrange activité
"devant eux dans les bois" et d'un accrochage entre patrouilles rapporté
par Sherman, Grant n'attendait aucune attaque. Après tout c'est
lui qui allait attaquer. Pourquoi l'ennemi voudrait-il quitter la sécurité
de ses retranchements à Corinth et venir à lui? Sherman
était d'accord avec cette opinion. Pour ce motif, Grant ne disposa
pas suffisamment d'éclaireurs et de postes avancés afin
de protéger l'armée de l'Union au matin du 6 avril 1862.
Si cela avait été fait, leur combat en retraitant vers la
ligne principale aurait donné toutes les alarmes à l'armée
de l'Union. Les apologistes de Grant, et ils sont nombreux, ont écrits
qu'il avait été blessé lors d'une chute de cheval,
mais en tout cas Grant n'était pas sur le terrain ce matin là,
et les cinq divisions de Grant "étaient disposées afin d'avoir
toutes les facilités d'un bon campement et aucune défense"
(Boatner). On pourrait alléguer pour excuse l'inexpérience
si Grant, plus tard, n'avait pas encore une fois montré une tendance
à l'improvisation plutôt qu'à la préparation
méticuleuse, comme à Cold Harbor par exemple.

En tous cas, au matin du dimanche 6 avril, les camps de l'Union étaient
sans aucun doute impréparés à une attaque confédérée.
L'effet de surprise aurait été encore pire si Johnston n'avait
pas disposé ses forces de façon maladroite en rangs plutôt
qu'en colonnes. De cette façon, l'attaque fut déjà
dévastatrice, coutant la vie à environ 1000 soldats de l'Union
le premier jour, et manquant de 200 mètres de rompre la gauche
fédérale. Le premier jour fut sauvé grâce aux
efforts entètés de Sherman, mais plus encore grâce
aux efforts de Prentiss qui, pendant des heures et contre les attaques
répétées de Bragg, tint le saillant du "hornet's
nest", permettant aux autres forces de l'Union de préparer une
nouvelle ligne de défense avec le dos à la rivière.
Pourtant dans la matinée A.S.Johnston saigna à mort d'une
blessure à la jambe apparemment sans gravité et le commandement
passa à Beauregard.
Au soir, les avant gardes de Buell arrivèrent, portant les forces
effectives de l'Union le jour suivant à environ 40.000 hommes contre
30.000 confédérés. Comme Buell arrivait, il fut témoin
de l'extraordinaire scène de désordre et de confusion causée
par les milliers de soldats de l'Union qui avaient fui la bataille et
s'étaient agglutinés à l'embarcadère, espérant
passer de l'autre coté de la rivière. De quelque manière
Buell exprima sa désapprobation devant cette situation et tenta
même de renvoyer ces soldats paniqués au combat. Grant écrivit
dans ses Mémoires personnelles : "Je ne doute pas que
cette vision impressionna le général Buell avec l'idée
qu'une ligne de retraite devrait être une bonne chose juste là
[notez la calomnie]… L'arrière d'une armée engagée
dans une bataille n'est pas la meilleure place pour juger correctement
de ce qui se passe au front." Comme si Buell le vétéran
n'avait jamais vu l'arrière et le front d'autre armées au
combat. Grant n'oublia jamais l'embarras et n'en pardonna jamais Buell.
Le 7 avril, les troupes fraiches que Buell amenait avec lui contribuèrent
de façon substantielle à repousser les confédérés,
maintenant en sous nombre et exténués, du champ de bataille.
Les pertes estimées sont de 23.746 (13.047 US et 10.699 CS).
Halleck, comandant des forces de l'Union de l'ouest, arriva pour prendre
le commandement à Pittsburgh landing. Sous ses ordres étaient
l'armée du Tennessee de Grant, l'armée de l'Ohio de Buell
et l'armée du Mississippi de Pope. Grant fut placé en second
et Thomas fut nommé comandant de l'armée du Tennessee de
Grant. Pendant qu'Halleck passait la plupart de son temps au QG de Thomas
sur l'aile droite, Grant perdit courage et Sherman le dissuada de démissionner
de l'armée.
La plupart des auteurs attestent qu'Halleck n'approuva pas la façon
dont Grant avait manié ses forces à Shiloh. Toutefois, il
est également reporté qu'Halleck dit à Grant, que
lui Halleck agissait dans son intérêt*. En fait, bien que
Grant ne joue plus un rôle actif dans la campagne, il était,
dans le même temps, protégé de toute nouvelle erreur
jusqu'à ce que les clameurs du public à propos des pertes
sans précédent de Shiloh s'éteignent.
A partir du 29 avril 1862, Halleck démontra comment il allait
conduire une bataille, se retranchant sept fois et en prenant six semaines
pour parcourir les 30 km jusqu'à Corinth au prix de pertes minines.
Quand il arriva devant Corinth, il l'a trouva vide. Beauregard s'était
échappé.
Le fait est que les fédéraux occupaient maintenant la principale
ligne de voix ferrée entre la Virginie et Memphis. Le contrôle
de cette ligne sera encore chaudement disputé pendant une autre
année et demie jusqu'à ce que l'Union occupent définitivement
Chattanooga, un autre noeud ferroviaire de cette même ligne. C'était
le préliminaire pour une future campagne sur Atlanta quand les
forces de l'Union démontrèrent qu'elles pourraient faire
ce qu'elles voulaient dans le Sud profond. C'est ce qui décida
finalement de l'issue de la guerre civile et Halleck y prit aussi sa part.