LA BATAILLE DE SHILOH - 1862

Une des plus tristes affaires de la guerre civile fut la bataille de Shiloh. A vrai dire, il y eut beaucoup d'autres batailles avec de lourdes pertes et des opportunités manquées, mais à Shiloh l'erreur de base fut si énorme, son commandant si chanceux, et son excuse pour l'erreur si bancale, que cette bataille mérite encore plus d'attention critique qu'elle n'en a déjà eu jusque là.
A l'ouest de Shiloh à Corinth se trouvait l'armée CS de Mississippi sous le commandement de Albert S. Johnston et Beauregard. A Pittsburg Landing sur la rivière Tennessee se trouvait l'armée du Tennesee de Grant. Entre les deux, des bois nombreux et une église blanche baptisée Shiloh. Buell (commandant de l'armée de l'Ohio, plus tard appelée du Cumberland) était sur la route avec des renforts.

Après la défaite confédérée de Mill Springs et la chute des forts Henry et Donelson, A.S. Johnston reflua sur Murfreesboro, Tenn., puis sur Corinth, Miss., qui était un nœud ferroviaire et de transport majeur. Il avait ainsi temporairement abandonné le Kentucky et la plus grande partie du Tennessee.

Tout comme les confédérés, Grant avait un mélange de troupes novices et aguerries, et il attendait l'arrivée de Buell afin de lancer une offensive contre Johnston. Pendant cette attente, Grant avait choisi d'entraîner ses hommes plutôt que de les faire fortifier. Dans ses "Mémoires Personnelles" Grant écrira que se "le retranchement" sera découvert plus tard dans la guerre (ce qui est faux) et que "Par dessus tout… les troupes avec moi avaient besoin de discipline et d'entraînement plutôt que de faire l'expérience des pics, pioches et pelles". Grant apparemment pensait également que ses hommes avaient besoin d'entraînement plutôt que d'être soumis aux horreurs débilitantes du service des postes avancés. En dépit d'une étrange activité "devant eux dans les bois" et d'un accrochage entre patrouilles rapporté par Sherman, Grant n'attendait aucune attaque. Après tout c'est lui qui allait attaquer. Pourquoi l'ennemi voudrait-il quitter la sécurité de ses retranchements à Corinth et venir à lui? Sherman était d'accord avec cette opinion. Pour ce motif, Grant ne disposa pas suffisamment d'éclaireurs et de postes avancés afin de protéger l'armée de l'Union au matin du 6 avril 1862. Si cela avait été fait, leur combat en retraitant vers la ligne principale aurait donné toutes les alarmes à l'armée de l'Union. Les apologistes de Grant, et ils sont nombreux, ont écrits qu'il avait été blessé lors d'une chute de cheval, mais en tout cas Grant n'était pas sur le terrain ce matin là, et les cinq divisions de Grant "étaient disposées afin d'avoir toutes les facilités d'un bon campement et aucune défense" (Boatner). On pourrait alléguer pour excuse l'inexpérience si Grant, plus tard, n'avait pas encore une fois montré une tendance à l'improvisation plutôt qu'à la préparation méticuleuse, comme à Cold Harbor par exemple.

En tous cas, au matin du dimanche 6 avril, les camps de l'Union étaient sans aucun doute impréparés à une attaque confédérée. L'effet de surprise aurait été encore pire si Johnston n'avait pas disposé ses forces de façon maladroite en rangs plutôt qu'en colonnes. De cette façon, l'attaque fut déjà dévastatrice, coutant la vie à environ 1000 soldats de l'Union le premier jour, et manquant de 200 mètres de rompre la gauche fédérale. Le premier jour fut sauvé grâce aux efforts entètés de Sherman, mais plus encore grâce aux efforts de Prentiss qui, pendant des heures et contre les attaques répétées de Bragg, tint le saillant du "hornet's nest", permettant aux autres forces de l'Union de préparer une nouvelle ligne de défense avec le dos à la rivière.
Pourtant dans la matinée A.S.Johnston saigna à mort d'une blessure à la jambe apparemment sans gravité et le commandement passa à Beauregard.

Au soir, les avant gardes de Buell arrivèrent, portant les forces effectives de l'Union le jour suivant à environ 40.000 hommes contre 30.000 confédérés. Comme Buell arrivait, il fut témoin de l'extraordinaire scène de désordre et de confusion causée par les milliers de soldats de l'Union qui avaient fui la bataille et s'étaient agglutinés à l'embarcadère, espérant passer de l'autre coté de la rivière. De quelque manière Buell exprima sa désapprobation devant cette situation et tenta même de renvoyer ces soldats paniqués au combat. Grant écrivit dans ses Mémoires personnelles : "Je ne doute pas que cette vision impressionna le général Buell avec l'idée qu'une ligne de retraite devrait être une bonne chose juste là [notez la calomnie]… L'arrière d'une armée engagée dans une bataille n'est pas la meilleure place pour juger correctement de ce qui se passe au front." Comme si Buell le vétéran n'avait jamais vu l'arrière et le front d'autre armées au combat. Grant n'oublia jamais l'embarras et n'en pardonna jamais Buell. Le 7 avril, les troupes fraiches que  Buell amenait avec lui contribuèrent de façon substantielle à repousser les confédérés, maintenant en sous nombre et exténués, du champ de bataille. Les pertes estimées sont de 23.746 (13.047 US et 10.699 CS).

Halleck, comandant des forces de l'Union de l'ouest, arriva pour prendre le commandement à Pittsburgh landing. Sous ses ordres étaient l'armée du Tennessee de Grant, l'armée de l'Ohio de Buell et l'armée du Mississippi de Pope. Grant fut placé en second et Thomas fut nommé comandant de l'armée du Tennessee de Grant. Pendant qu'Halleck passait la plupart de son temps au QG de Thomas sur l'aile droite, Grant perdit courage et Sherman le dissuada de démissionner de l'armée.
La plupart des auteurs attestent qu'Halleck  n'approuva pas la façon dont Grant avait manié ses forces à Shiloh. Toutefois, il est également reporté qu'Halleck dit à Grant, que lui Halleck agissait dans son intérêt*. En fait, bien que Grant ne joue plus un rôle actif dans la campagne, il était, dans le même temps, protégé de toute nouvelle erreur jusqu'à ce que les clameurs du public à propos des pertes sans précédent de Shiloh s'éteignent.

A partir du 29 avril 1862, Halleck démontra comment il allait conduire une bataille, se retranchant sept fois et en prenant six semaines pour parcourir les 30 km jusqu'à Corinth au prix de pertes minines. Quand il arriva devant Corinth, il l'a trouva vide. Beauregard s'était échappé.

Le fait est que les fédéraux occupaient maintenant la principale ligne de voix ferrée entre la Virginie et Memphis. Le contrôle de cette ligne sera encore chaudement disputé pendant une autre année et demie jusqu'à ce que l'Union occupent définitivement Chattanooga, un autre noeud ferroviaire de cette même ligne. C'était le préliminaire pour une future campagne sur Atlanta quand les forces de l'Union démontrèrent qu'elles pourraient faire ce qu'elles voulaient dans le Sud profond. C'est ce qui décida finalement de l'issue de la guerre civile et Halleck y prit aussi sa part.