Pendant l'hiver 1942, les Soviétiques ont remportés
la bataille de Stalingrad, capturant la VIe armée allemande (300
000 hommes) du maréchal Paulus, ce qui affaiblit sérieusement
les forces allemandes à l'Est. Avec les sérieuses menaces
d'invasion de l'Europe de l'Ouest, Hitler réalise qu'une défaite
des forces soviétiques avant que les Alliés de l'ouest ne
portent le front en Europe serait impossible et décide de forcer
l'URSS à une paix séparée. En février et mars
1943, Erich von
Manstein a achevé une brillante offensive durant la troisième
bataille de Kharkov, laissant la ligne de front de Léningrad au
nord à Rostov au sud. Au centre se trouve une profond saillant
de 200 kilomètres de largeur et de 150 kilomètres de profondeur
entre la position avancée allemande d'Orel au nord et la capture
récente de Manstein : Kharkov, au sud.
Manstein insista pour une nouvelle offensive basée sur les même principes
à succès qu'il venait de suivre à Kharkov, quand
il avait encerclé l'offensive soviétique trop avancée.
Il suggéra de bluffer les soviétiques d'attaquer au sud
contre la 6e armée qui se reformait désespérément,
pour les mener dans le bassin du Donetz dans l'est de l'Ukraine. Il tournerait
alors au sud depuis Kharkov sur le bord est de la rivière Donetz
vers Rostov et piégerait la totalité de l'aile sud de l'armée
rouge contre la mer d'Azov.
L'OKW (le quartier général allemand) n'approuva
pas ce plan, et au contraire tourna son attention sur la bosse évidente
dans les lignes entre Orel et Kharkov. Il y avait trois armées
allemandes complètes dans et autour du saillant. Le fermer dans
une tenaille permettrait de capturer presque un cinquième des ressources
humaines de l'armée rouge. Il en résulterait aussi une ligne
de front beaucoup plus droite et courte. En mars les plans étaient
décidés. La 9e armée de Walther Model attaquerait
au nord depuis Orel pendant que la 4e armée panzer de Hoth et le
détachement de Kempf sous le commandement global de Manstein attaquerait du sud depuis Kharkov. Ils devaient se rencontrer près
de Koursk, mais si l'offensive allait bien ils étaient autorisés
à continuer suivant leur propre initiative, vec pour objectif général
de créer une nouvelle ligne sur la rivière du Don, loin
vers l'Est.
A l'inverse des efforts récents, Hitler donna
au quartier général un contrôle considérable
sur la planification de la bataille. Pendant les quelques semaines suivantes
il continua à augmenter l'ampleur des forces attachées au
front, retirant à la totalité des lignes allemandes tout
ce qui pouvait être utile à la confrontation prochaine. Le
déclenchement fut d'abord prévu pour le 4 mai, puis retardé
jusqu'au 12 juin, et finalement lancé le 4 juillet pour donner
plus de temps pour la livraison de nouvelles armes depuis l'Allemagne,
en particulier les nouveaux chars Panther.

L'armée rouge avait aussi planifié ses
propres offensives estivales, et avait choisi un plan qui était
le miroir de celui des Allemands. Les attaques frontales d'Orel et de
Kharkov devaient écraser la ligne de front, et potentiellement
conduire à une percée près des marais Pripyat. Cependant
il y avait une inquiétude considérable à propos des
plans allemands.
Toutes les attaques allemandes précédentes
avaient laissé les Soviétiques deviner où elles pourraient
venir, et dans ce cas Koursk semblait trop évident pour que les
Allemands l'attaquent. Cependant ils étaient informés des
plans allemands par un réseau d'espions en Suisse. Staline et une
poignée d'officiers de la Stavka (quartier général
soviétique) voulaient frapper les premiers. Ils pensaient que l'histoire
démontrait qu'ils ne pouvaient s'opposer aux offensives allemandes,
tandis que l'action pendant l'hiver était désormais efficace.
Cependant le conseil presque unanime de la Stavka, en particulier Georgi
Zhukov, était d'attendre d'abord que les Allemands s'épuisent
eux-mêmes dans leur attaque. Son opinion emporta la discussion.
Le délai allemand pour lancer leur offensive donna
aux Soviétiques quatre mois pour se préparer, et tous les
jours ils faisaient du saillant l'un des endroits les mieux renforcés
au monde. L'armée rouge disposa plus de 400 000 mines et creusa
environ
5 000 kilomètres de tranchées, avec des positions parfois
reculées de 175 kilomètres. De plus, ils massèrent
une énorme armée, incluant 1 300 000 hommes, 3 600 tanks,
20 000 pièces d'artillerie et 2 400 avions. Ils étaient
inquiets quant à la quantité de ces renforts, car dans le
passé, les Allemands avaient dépassé leurs lignes
avec une aisance déconcertante.
Les Allemands étaient bien avertis des défenses soviétiques.
Ils ne changèrent cependant pas d'objectifs et les raisons de leur
obstination demeurent un mystère. Les Allemands mettaient en ligne
200 de leur nouveau char Panther, 90 Elefant (chasseur de chars), tous
leurs Henschel Hs 129 (avion d'attaque au sol), les Tigre I et le modèle
récent Panzer IV. Au total ils avaient rassemblés 2 700
chars et canons d'assaut, 1 800 avions et 900 000 hommes. C'était
la plus grande concentration de puissance militaire allemande jamais réalisée.
Hitler exprima, tout de même, des doutes sur sa rationalité.
Les préliminaires aux combats commencèrent
dans l'après-midi avec des Stukas qui bombardèrent un espace de 3 km entre les lignes au nord pendant
une courte période de 10 minutes, pendant que l'artillerie commença
un barrage. Le fer de lance blindé de Hoth, le IIIe corps Panzer
avança vers les positions soviétiques autour de Savidovka.
En même temps le Régiment de panzer grenadier Großdeutschland
attaqua Butovo sous une pluie torrentielle, et les hauteurs autour de
Butovo était pris par la XIe division Panzer. À l'ouest
de Butovo, Großdeutschland et la IIIe division Panzer qui rencontra
une forte résistance soviétique ne sécurisèrent
pas leurs objectifs avant minuit.
Dans le sud, la IIe SS Panzer Korps lançait ses
attaques préliminaires pour sécuriser les postes d'observation,
et également rencontra une résistance déterminée
jusqu'à ce que les troupes d'assaut équipées avec
des lance-flammes nettoient les bunkers et les avant postes. À
22h30 les Soviétiques répliquèrent par un bombardement
d'artillerie qui, aidé par la pluie torrentielle, ralentit l'avance
allemande. À ce moment Zhukov avait été informé du début de l'offensive
par des prisonniers allemands et décida de lancer un bombardement
préventif sur les positions allemandes.
La vraie bataille débuta le lendemain. Les Soviétiques,
maintenant avertis de l'heure précise de l'offensive, commencèrent
un barrage d'artillerie massif dix minutes avant. Cela fut bientôt
suivit par une attaque massive par la VVS sur les bases de la Luftwaffe
dans la zone, afin d'éliminer le support aérien local dans
la première heure de la bataille. Les quelques heures suivantes
furent probablement le plus grand combat aérien de l'Histoire.
La Luftwaffe se défendit avec succès et perdit très
peu de son pouvoir de combat, mais à partir de ce moment sa maîtrise
du ciel était fortement contestée.
La IXe armée Panzer dans le nord se trouva presque
incapable de bouger. Dans les premières minutes de l'offensive
elle se trouva prise dans un grand champ de mine défensif, et eut
besoin du soutien de sapeurs et de dégager sous le feu de l'artillerie.
L'armée de Model avait moins de chars que Manstein dans le sud. Il utilisa aussi une tactique différente, utilisant
seulement certaines unités alternativement pour les garder en réserve.
Habituellement, les Allemands attaquaient avec toutes les unités
disponibles pour maximiser leur effet. Ils pouvaient le faire grâce
à l'entraînement supérieur des sous officiers et des
soldats. Cependant, Model n'utilisa pas cette tactique pour des raisons
inconnues.
Après une semaine les Allemands avaient progressé de seulement
10km dans les lignes, et le 12 juillet, les Soviétiques lancèrent
leur aile nord contre la IIe armée à Orel. La IXe dut être
retirée et sa part dans l'offensive était terminée.
Le rapport entre leurs pertes et celles de l'armée rouge était
de 3 pour 5. Ceci était cependant bien pire qu'habituellement,
et très loin de ce qui était nécessaire pour équilibrer
avec le flux des nouveaux soldats et matériels pour l'armée
rouge.
Dans le sud les choses allèrent un peu mieux pour
les Allemands. Les blindés ouvrirent une brèche, et le 6
juillet, ils étaient environ 30km derrière les lignes dans
la petite ville de Prokhorovka. Sans l'atout de la surprise et contre
un ennemi retranché et supérieur en nombre, ce résultat
était presque un succès.
L'armée rouge fut forcée de déployer
en défense les troupes initialement planifiées pour n'être
utilisé que dans la contre offensive. Le flanc allemand, cependant,
n'était pas protégé comme les divisions de Kempf
étaient immobilisées par la 7e armée de gardes, par
la pluie forte, après avoir traversé la rivière Donets.
La 5e armée de chars de la garde était située à
l'est de Prokhorovka et préparait leur contre attaque quand le
IIe SS Panzer Korps arriva et un combat intense se déclencha. Les
Soviétiques parvinrent à arrêter les SS, mais de justesse.
Il y avait désormais peu pour arrêter la IVe armée
panzer, et il apparaissait qu'une percée allemande était
désormais bien possible. Les Soviétiques décidèrent
de déployer le 5e corps de gardes.
Le 12 juillet la Luftwaffe et l'artillerie bombardèrent les positions
soviétiques pendant que les divisions SS se groupaient.
Traditionnellement cette bataille a été décrite comme
cela : l'avance allemande commença et ils étaient étonnés
de voir les masses de blindés soviétiques avancer vers eux.
Ce qui suivit constitue le plus grand engagement de blindés de
l'Histoire, avec plus de 1 500 chars en contact proche. Les forces aériennes
des deux pays volèrent au-dessus, mais ils étaient incapables
de voir à travers la poussière et la fumée qui sortait
des chars détruits. Au sol les commandants étaient dans
l'impossibilité de garder trace des développements et la
bataille dégénéra rapidement en un immense nombre
de combats en petits groupes, souvent à faible distance. Les combats
durèrent toute la journée, et par le soir les derniers tirs
étaient échangés alors que les deux côtés
se désengagèrent. Les pertes allemandes montèrent
à plus de 300 chars alors que les soviétiques en perdirent
un nombre similaire.
Cependant, la description de la bataille de Prokhorovka
fut démontrée comme étant une invention de la propagande
soviétique. Elle a été décrite notamment sur
de grandes fresques. Ce fut une victoire soviétique seulement dans
un sens, l'attaque allemande ayant été stoppée. La
plupart des tanks soviétiques furent détruits par des tirs
de longue portée, et relativement peu furent impliqués dans
des échanges de tirs à courte distance. Les pertes allemandes
étaient relativement légère et durant presque toute
la journée combattirent en bon ordre. Les pertes soviétiques
étaient de 322 chars, parmi lesquels plus de la moitié à
l'état d'épave, plus de mille morts et 2 500 disparus ou
blessés en sus. Les pertes allemandes étaient inférieures
de 20 %. Les Allemands avaient cependant planifié d'être
à l'offensive et ils ne purent l'appliquer.
L'issue de la bataille globale (de Koursk) était encore incertaine.
Les forces allemandes dans l'aile la plus au sud étaient épuisées
et sévèrement réduites, mais en même temps
faisaient face à des défenses également faibles et
étaient en excellente position, dégagées d'ouvrages
défensifs et sans opposition entre eux et Koursk. Des forces de
renfort étaient prête pour ce moment, peut être la
bataille pouvait encore être gagnée.
Le 11 juillet, alors que se déroulait le débarquement des
forces anglo-américaine en Sicile dans l'Opération Husky,
Hitler appela von Kluge et Manstein dans son bureau de commandement en Pologne et déclara qu'il faisait
cesser l'offensive. Manstein était furieux, et répondit
qu'avec un dernier effort, la bataille pouvait être emportée.
Hitler n'accepta rien, particulièrement alors que les soviétiques
avaient lancés leur contre offensive dans le nord.
Quelques unités allemandes furent immédiatement
envoyées en Italie, et seules des attaques réduites continuèrent
dans le sud, pour se débarrasser des forces soviétiques
coincées entre les deux armées allemandes.
Bien qu'ignorant le changement des plans de Hitler, les soviétiques
percevaient bien l'arrêt des attaques près de Koursk. Les
soviétiques mirent alors leurs plans pré-Zitadel en action.
Le 15 juillet les attaques sur Orel furent lancées avec le déclenchement
du front central soviétique. Les Allemands reculèrent sur
la ligne Hagen partiellement préparée à la base du
saillant. Les forces allemandes furent envoyées du sud vers le
nord pour aider à couvrir la retraite. Bien que les forces allemandes
qui reculaient infligèrent des pertes sévères à
l'armée rouge, c'était la première fois qu'il y avait
une avance soviétique pendant l'été, augmentant radicalement
le moral des Russes.
Dans le sud les soviétiques avaient besoin de
plus de temps pour se regrouper après la tabassée sévère
qu'ils avaient reçu en juillet et ne purent lancer leur contre
attaque avant le 3 août. Aidés par les attaques de diversion
plus au sud ils furent capable de prendre Belgorod difficilement conquise
par von Manstein.
La capture de Belgorod et d'Orel fut célébrée à
Moscou par des feux d'artifices, une pratique qui devint à partir
de ce moment une institution avec chaque ville reprise. Ils atteignirent
Kharkov le 11, une ville qu'Hitler disait qu'il défendrait à
tout prix. Les unités allemandes étaient alors très
fatiguées, s'étant battues chaque jour pendant plusieurs
semaines. Leurs capacités en hommes avaient été réduites
et ils manquaient d'équipement. Le 20, toutes les forces allemandes
dans la région durent se retirer.
Par le 22 les deux forces étaient totalement épuisées
et les combats se terminèrent (officiellement). La bataille n'était
pas une victoire nette pour les soviétiques qui avaient souffert
de beaucoup plus de pertes que les Allemands. Cependant ces derniers pour
la première fois avaient perdus des territoires substantiels pendant
l'été et n'avaient pas été capables d'atteindre
leurs objectifs. Un nouveau front s'était ouvert en Italie, dispersant
leur attention. Les deux belligérants eurent des pertes, mais seuls
les soviétiques avaient les réserves en hommes et en production
industrielles pour récupérer complètement, sans parler
de l'aide très substantielle qu'ils obtenaient du Prêt bail
des États-Unis d'Amérique, incluant les très efficaces
Jeeps et camions. Les Allemands ne reprirent jamais l'initiative après
Koursk.
Les soviétiques perdirent plus d'un quart de million
de leurs soldats et la moitié de leur équipement en blindés.
Hitler s'impliquera plus dans les détails des opérations
à l'inverse de Staline, ce qui se révèlera une erreur.
Plus que Stalingrad, Koursk représente donc en Europe le véritable
tournant sur le front de l'est.