La scène
commence le 10 mai 1940. Le jour n'est pas encore levé que des
grondements se font entendre dans le ciel tout le long de la frontière
avec l'Allemagne et la Belgique. Aucun radar n'est là pour les
annoncer, seuls les oreilles et les yeux des guetteurs peuvent donner
l'alerte. L'attaque allemande, attendue par l'Etat-major, commence avec
un peu de retard sur les prévisions. Les bombardiers allemands
approchent et le terrain d'aviation de Berck est le premier sur lequel
les bombes tombent. Aussitôt, à Calais Marck, le II/8 se
met en état d'alerte : il est le prochain sur la liste. Effectivement,
les bombes le frappent très vite à son tour détruisant
les 7 premiers appareils de la guerre, des Bloch-152. Les autres appareils
partent à la poursuite des agresseurs.
Le GC III/1, à Norrent-Fontes, est à son tour attaqué
par un unique Junkers 88… Attaque bien symbolique. La riposte est
immédiate : un groupe de MS-406 décolle et s'en prend à
14 HE-111 sans escorte…7 seront détruits et un fuira vers
la Belgique que les Français croient toujours neutre : il ne sera
pas pris en chasse.
Cette matinée est le prémisse de l'opération visant
à anéantir l'Armée de l'air au sol, comme ce qui
fut réalisé en Pologne. 400 bombardiers sont chargés
de cette mission qui se passera moins bien que Hitler ne l'avait prévu.
Alors que les premières bombes allemandes tombent sur la France,
la Belgique et la Hollande sont matraquées par les Luftflotten
2 et 3. La pauvre petite Belgique voit 9 de ses 11 Hurricane partir en
fumée dès le début de l'attaque, sans même
avoir pu décoller.
En France, c'est au tour de la base de Luxueil d'être attaquée
mais le brouillard oblige les bombardiers allemands à orbiter pendant
20 minutes avant de pouvoir viser. Les bombes pleuvent finalement et les
MS-406 du II/7 décollent pour intercepter les bombardiers : les
2 premiers pilotes français sont tués au combat (le commandant
Dementque et le sous-lieutenant Couillens).
Handicapés par une vitesse déficiente, les chasseurs français
auront souvent du mal à rattraper les avions de Hitler mais le
solide entraînement des pilotes fera la différence face à
la jeune Luftwaffe et l'attaque allemande n'est pas sans pertes. Cependant,
tirant parti de l'avantage de l'attaque, le premier jour, la Luftwaffe
obtient plus de victoires que son adversaire. L'opération "Dyle"
lancée par Hitler visant à anéantir l'Armée
de l'air causera la perte 53 avions détruits au sol et de 14 autres
en combats aériens, tuant 7 pilotes. L'Armée de l'air ne
bénéficiera que de 36 victoires pour 360 sorties.
Mais les pilotes français ne sont pas à genoux… La
bataille de France ne fait que commencer.
Pour stopper l'avance allemande, l'aviation belge lance ses Fairey
Battle dans la mêlé le lendemain. Cet avion incapable
de dépasser les 350 km/h doit opérer de nuit mais l'ordre
tarde et ce n'est qu'au levé du jour que les Battle décollent.
Objectif : les ponts du canal Albert. L'attaque est un véritable
désastre et un bombardier allemand, un Dornier, joue même
au chasseur en abattant un des appareils, celui des adjudants Dome et
Verbraeck. Les autres sont décimés par la flak allemande
et la DCA belge qui finit par croire que tout avion ne peut être
qu'allemand. Les 6 biplans belges d'escorte, des Gladiator, sont quant
à eux anéantis par les Bf-109…sans aucune chance de
riposter. Les ponts sont toujours intacts, 10 avions sont détruits
et 7 aviateurs paient cette tentative de leur vie.
C'est au tour des Français de tenter le coup avec 12 Léo
mais au lieu de les faire voler à 5 000 mètres, où
ils peuvent semer sans difficulté le Bf-109, l'Etat-major décide
une attaque à basse altitude où le viseur de l'avion ne
sert plus à rien et où il ne peut atteindre que 400 km/h.
L'accueil de la flak est démesuré et les résultats
nuls: seuls 3 ponts sont endommagés. Les français qui ne
croyaient pas à la DCA ont donc le plaisir de goûter à
celle des allemands qui, eux, en ont mis partout. Si la Luftwaffe avait
eu la possibilité d'intervenir, cela aurait été un
désastre mais elle se trouvait fort occupée par des Morane
du II/6 et du III/3.
Les Britanniques essayent à leur tour en envoyant des Bristol Blenheim…7
sur les 9 y restent sous le feu abondant de la flak. Moins chanceux que
les Morane français, les Hurricane de la RAF se font tailler en
pièces par les Bf-109 et 6 des 8 engagés sont détruits.
Les ponts sont toujours là, vomissant des flots de troupes allemandes.
Pendant ce temps, l'aviation hollandaise en découd avec les Bf-110.
Equipée de 126 appareils dépassés, elle enverra tout
de même au tapis 327 avions au cours de ses 5 jours de résistance.
Au soir du 11 mai, l'aviation française a abattu 24 avions (sûrs)
et perdu 20 appareils. Le GCI/5 a à lui seul détruit 11
avions à la croix noire. Mais la plus grosse surprise est encore
à venir.
En effet, un Potez 637 du II/3 en reconnaissance au-dessus des Ardennes
découvre une longue colonne de véhicules et de blindés
allemands. L'Etat-major, aveugle et coincé dans sa bêtise
et son incompétence nie l'évidence en brandissant la théorie
selon laquelle les Ardennes sont infranchissables. Théorie absurde
puisque les blindés allemands avancent vers Sedan, contournant
ainsi la ligne Maginot.
L'Armée de l'air a toujours pour objectif de stopper l'avance ennemie
en Belgique alors que le long et vulnérable cortège avance
dans les Ardennes... Les soldats allemands sont inquiets : ils savent
que si l'aviation ou l'artillerie frappent cette concentration l'invasion
sera un échec. Mais personne ne frappe…
Comme l'avait prédit un certain colonel de Gaulle, une fois la
percée réalisée à Sedan, l'Allemagne pourra
être à la mer en 6 jours. Le début de la fin a sonné,
rien n'arrêtera plus les nazis dans leur conquête de la France
: l'incompétence de l'Etat-major français sera leur principal
allié. Le coup de poker des Ardenne est un succès.
Le 12 mai, l'Etat-major lance à nouveau ses avions à l'attaque
des ponts de Maastricht et inaugure en passant le concept d'avion d'assaut
avec ses tous nouveaux Bréguet 638. 18 de ces avions des GB II/54
et I/51 sont chargés de la mission et distancent, avec un amusement
non dissimulé, leur escorte de MS-406 qui doit renoncer à
les suivre. Le hasard fera bien les choses car pas un avion ennemi n'apparaîtra.
Mais un autre accueil attends les attaquants : la terrible DCA allemande
!
Arrivant au raz du sol, les Bréguet découvrent l'interminable
train de véhicules se lançant à l'attaque de la Belgique.
Un enfer de fer et de feu les accueille alors qu'ils effectuent leurs
passes d'attaque, d'abord à la bombe puis aux canons et aux mitrailleuses.
Le train est si vaste que tous les coups portent. Cependant, la réplique
est tellement puissante que les avions tombent les uns après les
autres, s'écrasant en plein dans le convoi (parfois volontairement,
plutôt que de se cracher dans les champs, histoire de tuer encore
quelques soldats avant de mourir) où se posant non loin en catastrophe.
Les groupes d'attaque se succèdent pour déverser leur cargaison
de mort et sont accueillis de la même façon. Les avions passent
et repassent pour multiplier les dégâts. Néanmoins,
les équipages sont bien conscients que cela n'arrêtera pas
le flot, ce qui ne les empêche pas de semer la mort partout où
ils le peuvent en dépit du risque de ne jamais revenir.
10 Bréguet sur les 18 seront perdus et les alliés sacrifieront
en tout 36 appareils sans réussir à arrêter l'invasion
ni même à détruire les ponts.
Les 13 et 14 mai sont des journées de combats aériens acharnés
où les Français vont partir à la recherche des bombardiers
allemands. La première rencontre se passe mal à cause de
la précision des tirs des mitrailleurs des Dorniers et un combat
acharné s'engage.
30 Bf-110 tombent alors sur 9 Morane et l'ampleur du combat s'accroît
tandis que les pilotes français, dépassés, luttent
tant bien que mal, allant jusqu'à jouer les kamikazes en fonçant
sur les chasseurs allemands. Ce fut le cas du commandant Bertrou qui,
faute de munitions, percuta volontairement un 110.
Le I/3 reçoit lui ses premiers
D-520, arrivant fort tard dans le conflit mais avec brio. C'est une
mauvaise passe pour la Luftwaffe puisque le baptême du feu de cet
appareil au sein du I/3 va faire de sérieux dégâts
: 3 Bf-109 au tapi, ainsi que 4 Bf-110, 5 Do-17, 4 He-111 et 3 Heinschel
126 dont le blindage ne suffira pas à arrêter les Dewoitine.
20 avions abattus en 3 jours, c'est un succès !
Le 15 mai est un jour noir dans la bataille. Les forces allemandes combinent
attaques aériennes à l'aide des Stukas, guidés par
les HS 126 Mouchards, et charges de blindés. Le front de Sedan
est enfoncé par l'infanterie et les forces allemandes foncent vers
la mer pour ensuite encercler les alliés à Dunkerque. Les
fantassins affirmeront de bonne foie n'avoir jamais vu l'aviation française
alors que celle-ci se démène et que plusieurs pilotes n'hésitent
pas à sacrifier leur vie, comme le capitaine Bruneau qui, le 18
mai, jette son MS-406 en feu sur une batterie de DCA afin d'ouvrir la
voie à ses ailiers alors qu'il aurait pu sauter : son altitude
lui permettait.
Le 19, l'Aéronaval se lance à l'attaque en envoyant 20 Loire
des AB 1 et 2 (équivalent français du Stuka mais plus rapide,
mieux armé et plus solide) à l'assaut des troupes allemandes.
La DCA ennemi est toujours aussi mortelle et 1 avion sur 2 y restera mais
la colonne est stoppée pendant 2 jours… un bien faible répit!
Le lendemain, 3 Loire des AB 2 et 4 ainsi que 11 Vought-156 de l'AB 1
retournent à l'assaut mais la RAF et son escorte de Hurricane brillent
par leur absence pour la plus grande joie de la Luftwaffe qui détruit
6 des Vought : la mission est annulée. Par miracle, les 3 LN-401
passent au travers de la chasse et piquent sur les allemands. Un est abattu
par la flak et leur faible nombre ne permet pas de faire pas de grands
dégâts.
Les jours suivants, de terribles combats aériens se multiplient
et la victoire change alternativement de camps : vol de Stuka anéanti
le 22 contre un vol de reconnaissance français (dirigé par
un certain Saint Exupery volant sur Bloch 147) sévèrement
malmené le lendemain et qui vit son escorte anéantie. Les
pilotes de cette dernière étaient de proches amis de l'écrivain.
Un vol d'hydravions torpilleurs T2 de la Marine est taillé en pièces
sans trouver ses cibles (des chars auxquels ils n'auraient guère
fait de mal de toute façon - belle façon de gâcher
pilotes et avions). La protection de la RAF censée tenir le secteur
était une nouvelle fois totalement inexistante.
De la même façon, le 31 mai un vol de 4 Leo sans escorte
est détruit par la Luftwaffe (130 de ces avions tomberont au cours
de la campagne) ainsi que 6 DB-7 du GB I/19. Le lendemain, la victoire
change à nouveau de camp et c'est au tour de 4 HE-111 de mordre
la poussière, victimes des redoutables D-520 dont c'est la première sortie au sein du II/7. Un cinquième
fuira en Suisse où il sera abattu par la chasse helvétique,
soucieuse de sa neutralité. Paradoxe assez comique : ce sont des
Bf-109 suisses qui l'envoient au tapi.
Les combats furieux se poursuivent malgré le recul continu des
forces françaises. Seul dans le ciel l'honneur semble sauf puisque
chaque jour les pilotes français mènent la vie dure à
leurs homologues allemands et des nuées de chasseurs, de bombardiers
et d'appareils de reconnaissance tournoient dans le ciel au milieu des
traçantes et des panaches de fumée. L'équipage d'un
Potez de reconnaissance établit d'ailleurs un record le 9 juin
en abattant 3 Bf-109 avant de succomber.
L'Italie fait le 15 juin une arrivée fracassante dans le conflit
en attaquant avec ses biplans qui sont littéralement pulvérisés
par la chasse française. Le Gloan détruira à lui
seul 5 avions italiens dans la journée, sans avoir été
menacé une seule fois tout en se permettant de charger seul avec
son D-520 des formations
entières.
Alors que la France cède, des
D-520 décollent pour l'honneur et attaquent le terrain d'Auxerre,
où la Luftwaffe vient de poser ses premiers avions, puis ouvrent
le feu sur une colonne allemande tout en sachant que cette attaque ne
changera rien au cours des événements. La dernière
victoire revient au sous-lieutenant Marchelidon du I/2 le 24 juin. Le
dernier pilote tué sera le sous-lieutenant Raphenne lors de l'attaque
d'un convoi. Il sera inhumé par les allemands.
La bataille est finie, la France a perdu… Une guerre ne se gagne
pas en l'air mais au sol. Abattre la chasse ennemie n'est rien si les
troupes au sol se font déborder et si l'aviation est incapable
d'appuyer ces mêmes troupes. Mal employée, l'Armée
de l'air n'a pu endiguer l'invasion seule, luttant le plus souvent en
Belgique alors que la menace était ailleurs. Le supériorité
de la Luftwaffe réside dans le fait qu'elle était taillée
pour appuyer l'avance des armées. A chaque combat, les terribles Stuka étaient là
pour se joindre à l'infanterie, à l'artillerie et surtout
aux blindés. C'est cette mortelle combinaison qui a enfoncé
le front français…